Le petit Bobby Conners - Épisode 1
by Kayla Parent
Waouh.
T’as une sale tête.
Je fixe mon téléphone, déconcertée.
Un beau gosse me rend mon regard…
Alors que ça devrait être ma meilleure amie.
Est-ce que j’ai appelé la mauvaise personne sur FaceTime ?
Je suis peut-être plus malade que je le pensais…
Euh…Tu n’es pas Teri.
Je plisse les yeux pour mieux voir.
Sérieusement ?
Ne me dis pas que tu ne reconnais pas le frère de ta meilleure amie !
QUOI ?!
Je n’en crois pas mes yeux.
La dernière fois que j’ai vu le frère de Teri…
C’était un gamin dégingandé avec un appareil dentaire et de l’acné.
Maintenant, je ne vois plus que des muscles, une peau dorée et un sourire narquois.
Est-ce que j’hallucine ?
Bobby, c’est toi ??
En chair et en os.
En parlant de ça…
Qu’est-ce qu’il est arrivé à la tienne, de chair ??
J’ignore sa question.
Waouh, le petit Bobby Conners !
Qu’est-ce que tu fais en ville ??
Je croyais que tu vivais en Australie.
C’était le cas.
Mais 10 ans au pays des kangourous, ça m’a suffi.
Je viens d’acheter une maison sur Main Street.
Quoi ?! Ici, en ville ?
Ouais. C’était un projet qui me tenait à cœur.
J’ai du mal à réaliser.
Le super beau mec en face de moi…
Vit littéralement à quelques minutes de chez moi.
Je ne sais absolument pas quoi lui dire.
Bobby a toujours été le petit frère chiant.
Il nous embêtait tout le temps, Teri et moi, quand on était ados.
Ou alors il avait le nez dans ses jeux vidéo.
Waouh, félicitations.
Teri ne me l’avait pas dit.
Et elle ne m’a pas non plus montré de photos récentes !
Ouais, j’ai fait la surprise à tout le monde, il y a quelques jours.
Ah. Ça explique tout.
Je n’ai pas beaucoup répondu au téléphone ces derniers temps…
Bobby se penche soudain plus près du téléphone.
J’imagine très bien ce qu’il voit.
Une peau rouge pleine de boutons.
Un visage gonflé.
Mon corps fatigué emmitouflé dans un peignoir miteux.
Je resserre le col autour de mon cou.
J’ai l’impression d’être la vieille tante Machin de quelqu’un.
C’est super de te revoir, Steph…
Mais honnêtement, t’as pas l’air en super forme.
Je laisse échapper un soupir fatigué.
J’ai la varicelle.
Ses sourcils s’étirent comiquement sur son front.
La varicelle ?!
Mais t’as genre 30 ans !
Je me hérisse.
Il sait toujours me mettre en boule.
Eh ! J’ai encore la vingtaine. Finissante.
Ça craiiiiint.
On n’est pas supposé attraper ça quand on est gamin ?
Si !
Mais je ne l’ai pas eue petite, alors je…
Il se lève et toute pensée cohérente disparaît de mon cerveau.
Parce que Bobby Conners est torse nu.
Et mon Dieu…
Quel corps.
Je ne peux pas empêcher mes yeux de vagabonder.
Il s’en rend compte.
Tu aimes ce que tu vois ?
Je sens le rouge me monter aux joues.
Tu as changé, c’est tout.
C’est sûrement le soleil australien.
Toi ?
Au soleil ?
Les seuls souvenirs que j’ai de toi, c’est devant un ordinateur.
Oh, c’est toujours le cas, la plupart du temps.
Mais au moins, maintenant, je suis payé pour ça.
Ah oui.
Teri m’a dit que tu étais développeur de jeux vidéo.
Mon rêve d’enfance.
L’un d’entre eux, en tout cas
Mais c’est le travail dont j’ai toujours rêvé.
Waouh.
Je suis impressionnée !
Je fais un calcul rapide dans ma tête.
Si Bobby s’est acheté une maison à lui…
Il doit bien gagner sa vie.
Merde alors ! Je suis épatée.
Dis donc, pourquoi est-ce que tu réponds au téléphone de Teri ?
Elle l’a oublié chez moi.
Elle a été appelée au travail il y a une heure. Elle est partie en coup de vent.
Une chirurgie d’urgence.
Oh non ! T’es sérieux ?!
C’est pas possible.
J’ai besoin d’elle !
Elle t’a dit quand elle rentrerait ??
Non.
Mais pourquoi tu as besoin d’elle ?
Je peux peut-être t’aider.
Je lève un sourcil sceptique.
M’aider ?
Comme la fois où tu as proposé de déblayer la neige devant ma voiture…
Et que tu as mis toute la neige sur les sièges arrières ?
Bobby a le culot de se mettre à rire.
Oh mec, c’était trop drôle!
T’étais tellement facile à énerver.
Facile ?!
Pelleter des monceaux de neige sur mes sièges arrière, ce n’est pas ce que j’appellerais quelque chose de FACILE !
Ou alors le soir de mon premier rendez-vous ?
Où tu as mis une souris morte dans mon sac à main ?
Cette fois, Bobby serre les lèvres pour retenir son rire.
Oh, allez.
J’ai grandi, depuis.
Promis.
Sérieusement, laisse-moi t’aider.
Son sourire est toujours aussi narquois…
Mais il y a un autre éclat dans ses yeux.
Quelque chose que je n’avais jamais vu quand on était plus jeunes.
Et pour être honnête, ça ne me déplaît pas.
J’essaie de tempérer les sentiments qui émergent.
Non, laisse tomber.
Je vais essayer de me débrouiller… Aaah !
Ma poitrine se met tout à coup à me démanger de manière incontrôlable.
Je cède et me gratte avec mes ongles comme une démente.
Les yeux de Bobby s’agrandissent.
Je crois pas qu’on soit supposé gratter les boutons comme ça.
Je peux pas m’en empêcher.
J’ai fini ma crème apaisante.
Je suis dans un état lamentable.
Je vois Bobby récupérer un tee-shirt au sol.
Je vais t’en chercher.
Bobby, non…
Si.
Pour me rattraper de ce que je t’ai fait endurer à l’époque.
Je te rappelle quand j’arrive à la pharmacie.
10 minutes plus tard…
OK, je suis à la pharmacie.
Mais avant que j’entre…
Tu as besoin d’autre chose en plus de la crème apaisante ?
Je soupire avec irritation.
Mais en réalité, je suis surtout reconnaissante.
Non, je…
Merde.
Autant lui dire la vérité.
En fait… Oui.
J’ai besoin d’autre chose.
Mais tu promets de ne pas faire de blagues débiles comme avant ?
Oh, ça va être du lourd.
De quoi tu as besoin ?
Un paquet de 30 gaufrettes au chocolat ?
Je suis stupéfiée.
Tu te rappelles de ça ??
Tu rigoles ?
Tu adorais ces machins.
Quand on en avait à la maison…
Ils disparaissaient dès que tu venais.
Je suis mort de honte.
Mais c’est la vérité.
En fait, non, je ne voulais pas de gaufrettes.
Mais j’ai besoin de tampons.
J’attends la blague.
La gêne.
Mais rien ne vient.
Que de la sollicitude.
Tu passes une sale semaine.
Tu as besoin de quel genre ?
Normaux ? Avec applicateur ?
Cette fois, ce sont mes sourcils qui s’étirent sur mon front.
Eh bien, tu es plein de surprises aujourd’hui.
J’ignorais que tu en savais autant sur les tampons.
Son visage devient soudain étrangement sérieux.
J’ai quand même un peu d’expérience avec les femmes, Stéphanie.
Je ne suis pas celui dont tu te souviens.
Non, apparemment pas.
Bobby raccroche et me laisse là, bouche-bée devant le téléphone.
5 minutes plus tard…
Bobby exhibe un adorable sourire fier quand il me rappelle sur FaceTime.
Crème apaisante… OK.
Tampons… OK.
Et je t’ai pris ça.
Il tient une gaufrettes au chocolat et la secoue en l’air.
C’était pas la peine !
Tu es malade.
Et tu as tes règles.
Si ça, c’est pas le moment idéal pour manger des gaufrettes au chocolat…
Je sais pas quand c’est.
Je le regarde avec un étonnement teinté d’admiration.
Mais qui est ce mec ?!
Merci.
Qu’est-ce que je peux faire d’autre pour toi ?
Je me sens soudain coupable.
Tu es sûr que tu as le temps de m’aider ?
Oui.
Et je VEUX t’aider.
Allez, dis-moi quel est le prochain arrêt.
Il a l’air si sincère.
Je cède à contrecœur.
La boutique de photo sur Main Avenue.
Je devais y récupérer mes nouveaux portraits vers quinze heures.
Il s’approche soudain du téléphone avec intérêt.
Des portraits ?
Tu es toujours actrice ?
Surtout au théâtre local, mais oui.
Je me redresse sur ma chaise, un sourire aux lèvres.
Je vais bientôt avoir un petit rôle dans un film.
C’est génial !
Tu as toujours eu tellement de talent !
Je hausse les sourcils.
Je crois me souvenir de toi qui me disais que je jouais comme mes pieds.
Il a le culot d’avoir l’air penaud.
Je disais plein de choses que je ne pensais pas, à l’époque.
Juste pour t’énerver, tu te souviens ?
J’étais immature, et…
Il s’interrompt et détourne le regard du téléphone.
Et quoi ?
Et rien.
Je te rappelle quand j’ai récupéré les portraits.
10 minutes plus tard…
Quand je décroche le téléphone, je tombe sur Bobby en train de regarder mes photos.
Waouh.
Juste… Waouh.
Les photos sont sublimes.
Nos yeux se rencontrent.
Il fait un geste vers ma varicelle et moi.
Donc tu ne ressembles pas à ça, d’habitude ?
Ah, voilà le bon vieux Bobby caustique je connais si bien.
Je savais bien qu’il se cachait quelque part.
On éclate de rire ensemble.
Mais merci pour le compliment.
Enfin, si c’était dit comme un compliment…
Je sais jamais, avec toi.
Il reporte son attention sur les portraits.
Ouais, c’était bien un compliment.
Sa voix n’est plus qu’un murmure bas et vibrant.
Je sens des papillons voleter dans mon ventre.
Oh mon Dieu.
Des papillons dans le ventre ? Pour le petit Bobby Conners ?!
C’est certain, je suis gravement malade.
Merci de les avoir récupérés.
Tout le plaisir est pour moi.
Il ne perd pas une seconde.
Ensuite ??
Si tu tiens vraiment à m’aider…
Tu voudrais bien passer au pressing ?
Bobby siffle entre ses dents.
Il fixe le sac qu’il a récupéré au pressing.
Dis donc, cette petite robe rouge… C’est à peine si on peut appeler ça une robe !
Plutôt un pansement !
Et je suis sûr qu’il te va à merveille.
Je ris malgré moi.
Merci.
Je viens de l’acheter.
Il me regarde avec une expression que je ne parviens pas à déchiffrer.
Un rendez-vous de prévu ?
Surgissant de nulle part…
Les papillons recommencent leur ballet dans mon ventre.
Non.
Mais il faut toujours se tenir prête.
Aloooors, pas de copain ?
Je plisse les yeux malicieusement.
Surtout pour cacher ma nervosité.
Pas de copain.
Et toi ?
Tu as brisé des cœurs en Australie ?
Je suis étrangement curieuse.
Nan.
Quelques copines ici et là.
Mais rien de sérieux.
Je vois.
Un lourd silence s’installe.
Qu’est-ce qui se passe ?!
Bref, c’est tout pour aujourd’hui.
Vraiment, merci. C’était super sympa de ta part.
Qui aurait pu deviner que le petit Bobby Conners était un tel gentleman ?
Ses lèvres s’amincissent.
Il a l’air sur le point de dire quelque chose…
Mais se ravise.
Je dois y aller.
Je dois encore passer quelque part.
15 minutes plus tard…
Lorsque mon téléphone sonne à nouveau, je n’ai pas réussi à mettre de l’ordre dans mes sentiments.
Salut Bobby.
Derrière lui, le fond me paraît étrangement familier.
Hé, tu es devant chez moi ?
Il soupire.
Ouais.
Écoute, tu n’as pas besoin de me faire entrer…
Mais je voulais te donner ça.
Il tient un énorme bouquet de roses.
Je n’arrive pas à retenir mon hoquet de surprise.
Bobby !
Comme elles sont belles !
C’est vraiment gentil de ta part.
Il ne répond pas.
Il a l’air d’éviter mon regard.
Tout va bien ?
T’as l’air bizarre.
Il grogne et secoue la tête.
Tu m’as appelé « petit Bobby Conners ».
La première fois, pas de problème…
Enfin, si, mais …
Ok, je comprends.
Tu ne m’avais pas vu depuis un moment.
Mais la deuxième fois…
Ça m’a vraiment dérangé.
Je ne sais pas quoi dire.
Je l’ai toujours appelé comme ça.
Ça ne l’avait jamais dérangé avant.
Je… Je suis désolée.
J’ai dit ça sans réfléchir.
Honnêtement. Je n’ai même pas fait attention à ce que je disais.
Je sais.
C’est juste que…
Je *veux* que tu réalises que tu m’appelles comme ça.
Parce que… J’aimerais bien que ça te dérange aussi.
Bobby soupire et se passe une main dans les cheveux.
Toute la journée, j’ai essayé de te prouver que je n’étais plus le « petit Bobby Conners ».
J’ai grandi.
Et j’ai changé, je suis une autre personne.
Le ballet des papillons dans mon ventre se transforme en tornade.
Bobby, je…
Je sais que tu as grandi.
Crois-moi, je le vois bien.
Il sourit et rencontre mon regard.
Il a l’air nerveux, mais aussi déterminé.
La vérité, c’est que…
Je n’arrivais pas à croire d’être aussi chanceux quand j’ai vu ton appel ce matin.
J’ai toujours eu un faible pour toi.
Quand j’étais plus jeune, je ne savais pas comme l’exprimer.
Alors je t’embêtais.
Je te faisais des sales coups.
Je faisais tout ce que je pouvais pour que tu me remarques.
Mais je suis plus vieux, maintenant.
Et je me suis dit qu’il était temps d’utiliser une autre tactique.
Je suis sidérée.
Absolument sans voix.
J’espère que ça a marché.
Parce que je pense à toi depuis longtemps.
Tu vois, j’avais deux rêves d’enfance.
Je t’ai déjà parlé du premier.
Devenir développeur de jeux vidéo.
Mais l’autre rêve ?
C’était toi.
Mon corps tout entier vibre.
Bobby…
Waouh.
Je n’en avais aucune idée.
Une multitude de pensées défilent dans ma tête.
Son sourire narquois.
Sa gentillesse.
Sa malice.
Les choses dont il se souvient à propos de moi.
Non, il n’est vraiment plus le petit Bobby Conners.
Je suis désolée de te dire tout ça alors que tu es malade.
Je voulais juste… Te le dire d’abord au téléphone.
Au cas où tu voudrais t’enfuir en hurlant.
Je dois être honnête avec lui.
Il le mérite après avoir ouvert son cœur si sincèrement.
Pas besoin de t’excuser.
Et…
Je m’arrête pour goûter le moment.
Pour me permettre de reconnaître ces papillons pour ce qu’ils sont réellement.
La vérité, c’est que ce que tu viens de me dire me fait me sentir vraiment bien.
La dernière chose dont j’ai envie, c’est de m’enfuir en courant.
Quand je me sentirai mieux…
Peut-être qu’on pourrait sortir… Toi, moi et ma robe rouge.
Pour voir où ça nous mène.
Ses yeux s’allument comme ceux d’un enfant le jour de Noël.
Tu le penses vraiment ?
Oui.
Mais en attendant…
Monte avec ce corps de rêve et donne-moi ma gaufrette !
App