Nancy, l'Hypernerveuse - Épisode 1
by Eric Levin
Je déteste les rendez-vous.
Vraiment.
Je préfère fantasmer sur le fait d'avoir un rendez-vous qu'en avoir un pour de vrai.
Je n'ai aucune idée de pourquoi j'ai accepté ce rendez-vous arrangé.
Ça ne me ressemble pas.
Je veux dire, Je n'ai pas eu de rendez-vous depuis un moment.
Les cours ont pris tout mon temps et j'ai en quelque sorte… laissé tomber.
Mais Sandra a VRAIMENT INSISTÉ.
« Mon collègue, Terrance, est un type vraiment charmant et il est beau en plus. Tu vas l'adorer. »
Je n'ai même JAMAIS VU cet homme.
Et il ne m'a jamais vue.
Et s'il ne me trouvait pas à son goût ?
Il ne sait pas à quel point je peux être gauche.
Regardez-moi. Je tremble rien qu'à me maquiller.
Mais cette robe me va plutôt bien…
30 minutes plus tard
Je ne m'attendais pas à ce qu'il fasse si humide dehors.
Mes cheveux frisent et je commence à transpirer.
Mince. Et je ne suis même pas encore arrivée au restaurant.
Pourquoi faire un effort de tenue si c'est juste pour transpirer ?
Quelle perte de temps.
La vie n'est qu'un chemin vers la déchéance.
Est-ce que je vais gâcher mon premier rendez-vous avec Terrance ?
Arrête, Nancy.
Est-ce que je VOUDRAIS tomber follement amoureuse et me marier aux Bahamas ?
Évidemment.
Mais je ne tire pas de plans sur la comète.
La transpiration me rend encore plus nerveuse.
Et maintenant je transpire encore plus.
Ça enclenche une réaction en chaîne, un cercle vicieux d'excrétion qui entame mon assurance.
Mon corps est devenu une arme biochimique.
5 minutes plus tard
Bon, je suis arrivée au restaurant.
J'ai dix minutes d'avance.
Je ne pense pas que Terrance est déjà arrivé…
Je vais simplement attendre dans l'entrée.
Et le voilà.
Non. Fausse alerte.
La lumière de l'entrée me met quelque peu sur la sellette.
Mon Dieu ce que je suis nerveuse.
C'est comme si j'avais le trac.
Arrête, Nancy.
Personne ne fait attention à toi.
Je fais juste tapisserie.
Arf, je n'arrive pas à m'empêcher de gigoter.
Il faut que j'arrête de regarder le sol.
Maintenant si Terrance arrive, il verra à quel point je suis nerveuse.
Pourquoi est-tu si nulle, Nancy ?
Non, arrête ça tout de suite.
Tu es une femme forte, intelligente, sûre d'elle.
Les gens n'arrêtent pas de me regarder.
Je fais semblant de ne pas les voir ou pas ?
Je vais juste hocher la tête quand ils passent près de moi.
Super, maintenant j'ai l'air d'une de ces poupées qui hochent la tête sans arrêt.
Le meilleur compromis est de ne rien regarder en particulier.
Je vais juste jeter un coup d’œil au restaurant…
L'air de rien…
Porter le poids de mon corps entre mes genoux…
Et en quelque sorte scanner le bar en petits mouvements précis et répétitifs…
Comme une tête d'arrosage automatique.
Et s'il ne vient pas ?
Je ne peux pas juste partir.
Tout le monde va voir qu'on m'a posé un lapin.
S'il ne se montre pas d'ici dix minutes, je commanderai quelque chose de léger.
Comme une salade.
Mais les gens ne se demanderont-ils pas pourquoi j'ai attendu si longtemps près de la porte si on ne m'a pas posé un lapin ?
Je ne peux pas rester ici.
Je ne veux pas rester ici.
Je vais attendre dix minutes.
Ensuite, si mon prétendument merveilleux rencard ne s'est toujours pas montré, je vais :
Faire un geste, comme si je regardais ma montre…
Sortir, comme si je voulais avoir une meilleure vue sur la rue…
Et traverser au pas de course le pâté de maison, prendre le métro, entrer dans mon appartement…
Et engloutir un pot de glace à la menthe aux pépites de chocolat devant la télé.
Je regarderai une télé-réalité bien réconfortante.
Bon plan, Nancy.
En fait, je l'aime tellement ce plan que je commence à regretter d'être venue à ce rendez-vous.
Le petit ami parfait est un pot de glace.
Il offre d'innombrables sensations de plaisir et ne demande rien en retour.
Et il ne pose certainement pas de lapin à un restaurant par un vendredi soir pluvieux.
Même s'il peut vous fondre dessus si vous ne faites pas attention.
Pfff.
Je suis bien tentée de partir dès maintenant…
M'enfermer dans mon appartement et manger ce pot de glace.
Mais si Terrance arrive quelques secondes après que je sois partie ?
Demain matin, j'aurai à coup sûr un coup de fil de Sandra…
Elle gémirait, « Nancy, Nancy, qu'est que tu AS FAIT ? Terrance a dit qu'il ne t'avais trouvée nulle part. »
Elle serait tellement agacée qu'elle ne m'organiserait probablement plus aucun rendez-vous arrangé.
Pensée qui est en fait assez attrayante…
Je commence à penser que je préfère mourir toute seule que d'aller à ce rendez-vous…
Non.
Tu l'as promis à Sandra.
C'est ta sœur et tu lui as fait une promesse et tu vas tenir parole.
Alors, c'est entendu.
Je vais attendre les quatre minutes restantes.
Suivies de cinq minutes supplémentaires par sûreté.
Ensuite, à moi le pot de glace.
Et si Terrance arrive après les cinq minutes supplémentaires…
Et que Sandra m'appelle demain…
Eh bien, tant pis pour eux !
Me laisser ici, sous les lumières implacables au-dessus de ma tête…
Hochant la tête et me balançant d'une jambe à l'autre…
Observant la salle comme un vieil arrosoir automatique près à se briser.
Mon Dieu, je suis dégoûtante.
En gros, je baigne dans ma propre sueur.
Et pourquoi ce type près de la porte n'arrête pas de me regarder ?
Il peut probablement sentir l'anxiété.
Merde.
Il s'approche de moi.
OH MON DIEU
Nancy ?
…Terrance ?
C'est lui Terrance ?
Waouh.
Il est pas mal.
Genre, je ne veux pas prendre ce type pour un objet mais…
je pourrais faire griller des S’mores sur son torse.
Pourquoi va-t-il à des rendez-vous arrangés alors ?
Est-ce qu'il va me tuer ?
Est-ce qu'il conserve des femmes dans son cellier ?
Je parie que Sandra avait prévu tout ça.
J'ai dû oublier son anniversaire une fois de trop et maintenant elle veut me voir morte, assassinée au fond d'un cellier.
Tu as attendu longtemps ?
Ça m'a paru durer une éternité.
Ce n'est rien.
Tu es belle.
Tu as l'air taillée dans la pierre.
J'ai envie de t'embrasser et de te mettre dans un musée.
Merci.
Désolé du retard…
Est-ce que tu… m'observais ?
J'étais nerveux…
Honnêtement, ça fait longtemps que je n'ai pas fait ça.
Aller à un rendez-vous, je veux dire.
J'ai été débordé par la Fac de Droit.
Quelle est cette étrange sensation ?
C'est une douleur dans ma poitrine.
Est-ce que je suis content d'être ici ?
Je connais ça.
On va s'asseoir ?
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