Nue - Épisode 1
by Annie Rains
Tu peux m'apporter des v-v-vêtements ?
Quoi ?
J'éloigne mon téléphone de mon oreille et vérifie que j'ai fait le bon numéro.
Oui, l'écran indique que je parle bien à ma colocataire Tonya…
Sauf que c'est la voix de son frère Jake que j'entends.
Pourquoi est-ce que je t'apporterais des vêtements ?
Pour rien. Où est T-Tonya ?
Elle est sortie avec son nouveau petit copain.
Elle a dit que je pouvais venir travailler dans votre chambre.
J'espère que ça ne te dérange pas. Mon colocataire m'empêche de me concentrer.
Tonya m'en avait parlé plus tôt dans la journée.
J'avais complètement oublié.
Tonya et moi partageons une chambre dans une résidence universitaire. La chambre de son frère est à l'étage au-dessus.
Ah oui. J'avais oub-blié.
Elle a dû prendre mon téléphone et du coup, j'ai le sien.
Pourquoi tu bégaies ?
Je jette un regard nerveux autour de moi. Je suis cachée derrière un arbre.
Et je ne bégaye pas…
Je tremble parce que je suis en train de me geler les fesses sur le campus... toute nue.
À part les filles qui m'ont abandonnée dans cette situation fâcheuse…
Jake et Tonya sont les seules personnes que je connais sur le campus.
Si Tonya n'est pas disponible, Jake est mon seul espoir.
Amy ? Tu vas bien ?
Pas vraiment.
Disons que je suis... toute nue.
Et dehors.
Quoi ?
Je ferme brièvement les yeux.
Pas longtemps, car je suis terrifiée à l'idée que l'on puisse me voir dans cet état.
J'étais censée subir un bizutage pour intégrer une sororité ce soir.
Je pensais que ça se limiterait à une petite baignade hivernale à poil.
Amy, c'est dingue. Il fait -1° dehors.
Je sais.
Mais en fait, le bizutage consistait à me voler mes fringues…
Et à me laisser rentrer toute seule à la résidence.
Heureusement, elles ont fait tomber mon portable dans leur fuite.
Mais pas mes clés.
Ni aucun de mes vêtements.
Quoi ? Elles t'ont laissée toute nue dehors en pleine nuit ?
Je peux entendre de la colère dans la voix de Jake.
Il a toujours été très protecteur envers Tonya.
Et envers moi.
Tonya est ma meilleure amie depuis toujours…
Et Jake me traite un peu comme une deuxième sœur.
Mais je ne l'ai jamais vu comme un frère.
Non, si Tonya savait ce que je ressentais pour son frère, elle me tuerait.
Où es-tu ? Je viens te chercher.
Pas question. Je ne veux pas que tu me voies comme ça.
Mieux vaut moi qu'un pervers. Où es-tu ?
J'hésite. Ai-je vraiment le choix ?
À l'est du campus, près du lac.
Cachée derrière un arbre.
Je n'ai jamais été aussi humiliée de toute ma vie.
Je ne m'en remettrai jamais.
Et il se peut que je n'arrive plus jamais à regarder Jake dans les yeux après ce soir.
J'arrive dans 5 minutes.
Attends ! N'oublie pas d'apporter des vêtements.
De ton armoire ?
Non, de mes tiroirs.
Il me faut juste un T-shirt et un pantalon.
Et peut-être aussi des chaussures.
Je l'entends s'activer et réalise soudain ce qu'il pourrait voir.
Pas le tiroir du haut !
Désolé. Je ne savais pas que c'était là que tu rangeais tes…
Affaires intimes.
Je n'y ai pas touché.
Mais il a VU mon tiroir plein de culottes et de soutien-gorges.
Cette fois c'est certain, plus jamais je ne pourrai le regarder en face.
Mes t-shirts sont dans le tiroir du bas.
Les pantalons dans celui du milieu. Fais vite !
C'est bon, j'ai tes fringues et tes chaussures. J'arrive !
Nous restons en ligne tandis qu'il traverse à toute vitesse le campus à vélo.
Nous ne parlons pas vraiment car Jake pédale furieusement…
Pour venir me tirer du mauvais pas dans lequel je me suis moi-même fourrée.
Je n'ai même plus envie de faire partie de cette sororité.
Elles riaient comme des folles tout en s'enfuyant avec mes affaires.
De vraies amies n'auraient jamais fait cela.
Amy ?
Au bout de plusieurs longues minutes, je l'entends m'appeler.
Il n'est pas loin.
Je suis ici !
Je reste derrière l'arbre mais incline la tête pour apercevoir Jake.
Il me repère, descend de vélo, et s'approche en trottinant.
Quand il n'est plus qu'à quelques mètres, je me mets à crier.
Stop !
Reste où tu es et jette-moi mes vêtements.
Il s'immobilise, puis met mes vêtements en boule et les jette vers moi.
Sauf qu'ils se défont alors qu'ils sont en l'air…
Et tombent trop loin de moi pour que je puisse les attraper tout en restant cachée.
Mes yeux vont des vêtements à Jake.
Je peux te tourner le dos et te les donner.
J'essaierai de ne pas regarder.
Comment ça, tu ESSAIERAS ?
Tu sais, il fait noir et il y a plein de racines d'arbre qui ressortent ici.
Je pourrais trébucher et tomber.
Et puis, ce n'est pas comme si toi, tu ne m'avais jamais vu.
Quoi ? Si tu parles du jour de la douche, c'était un accident.
Je ne savais pas que tu étais là.
Si je me souviens bien, tu n'as pas détourné le regard tout de suite.
J'étais sous le choc.
Il a raison, cependant. Mon regard s'est attardé…
Et j'ai tout vu.
Et depuis, impossible d'effacer cette image de mon cerveau.
Mais je suis comme ta sœur.
Du moins, c'est ce qu'il a toujours sous-entendu.
Je ne te considère pas du tout comme une sœur, Amy.
J'ai beaucoup pensé à toi, ces derniers temps.
À moi ?
À toi et à moi… à nous.
Je ne veux pas avoir cette conversation alors que je suis nue derrière un arbre.
Je veux me rapprocher de lui ; je veux plonger mon regard dans ses yeux bleus.
Il trébuche en allant récupérer mes vêtements à reculons.
Il essaie vraiment de ne pas me mettre encore plus dans l'embarras.
Je connais une seconde d'angoisse au moment où il se retourne.
Mais il garde la tête baissée vers le sol.
Je ne le quitte pas des yeux, priant pour qu'il ne me regarde pas en me tendant mes vêtements.
Merci.
Je saisis le t-shirt et l'enfile précipitamment.
Il est long et couvre les zones stratégiques de mon corps.
C'est bon. Tu peux regarder maintenant.
Jake lève la tête, et nos regards se croisent immédiatement.
Il me tend un jogging, puis mes pantoufles.
Je mets le pantalon dont je serre les cordons, et j'enfile les chaussons sur mes pieds gelés.
Je te ferai du café lorsqu'on sera rentrés à ta chambre.
Je suis bien contente que tu aies décroché le téléphone de Tonya.
Moi aussi.
Nous nous dirigeons vers son vélo. Il marche à côté de lui tandis que nous regagnons l'est du campus.
Je serre mes bras autour de ma poitrine, rentrant mes mains sous mes aisselles pour tenter de les réchauffer.
Tonya m'avait dit que ces filles étaient mauvaises.
Beaucoup de gens se sont plaints de cette sororité.
Et puis d'ailleurs, pourquoi est-ce que tu voulais les rejoindre ?
Je secoue la tête, frottant mes bras pour tenter de me réchauffer.
Je ne vois presque plus Tonya depuis qu'elle a un copain.
Je voulais simplement me faire d'autres amies.
Je soupire misérablement.
Mais je préfère encore être seule que traîner avec ces chipies.
Jake s'arrête et me regarde.
Tu n'as pas à être seule.
Son haleine est visible dans l'air de la nuit.
Tu pourrais m'appeler.
Mon cœur bat encore plus vite qu'au moment où j'ai compris que les filles m'avaient abandonnée.
Je tressaille dans mon t-shirt à manches longues.
Tu es gelée.
J'aurais dû amener une veste aussi.
Il dépose son vélo contre un arbre et s'approche de moi.
Attends.
Il ôte sa veste et la passe autour de mes épaules.
En m'enlaçant.
Son haleine me réchauffe les joues tandis que je penche la tête en arrière et lève les yeux vers lui.
Ses bras sont toujours autour de moi. Puis ses mains m'attirent vers lui.
Il se met à les faire descendre et remonter le long de mon dos pour me réchauffer.
Tout en me tenant tout contre lui.
Ça va mieux ?
Beaucoup mieux. Merci.
Vraiment, merci pour tout ce que tu as fait.
C'est quand tu veux.
Il me regarde intensément…
Je ne crois pas qu'il m'ait déjà regardée de cette façon auparavant.
Cette fois, c'est différent.
Un lien nouveau s'est établi entre nous.
Il avance lentement son visage vers le mien, et nos lèvres se rapprochent…
Ses yeux ne quittent pas les miens, cherchant silencieusement ma permission.
Je pourrais me dégager si je le voulais.
Je pourrais l'arrêter à tout moment.
Mais je ne le fais pas.
Mes lèvres froides et ses lèvres chaudes se rencontrent en un baiser…
Prélude à quelque chose de bien meilleur que tout ce que j'aurais pu attendre de cette soirée.
Finalement, je n'ai pas besoin d'une sœur.
Ni d'un frère.
Tout ce dont j'ai besoin, c'est de Jake.
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